Chers lecteurs! Pour la première fois, je présente à votre jugement non pas l'œuvre de mes propres mains, mais des extraits choisis des classiques de la littérature historique. Croyez-moi, aucune des histoires présentées dans les catégories « Exécution », « Lesbiennes » et même « Au-delà » ne vous impressionnera autant que ces lignes puissantes du roman « Marie-Antoinette » de Stefan Zweig. Le roman est écrit dans un style romantique à l'ancienne, mais les problèmes soulevés dans la vie des plus grandes personnes de son temps sont si profonds, durs et parfois cyniques qu'ils n'ont pas d'analogue dans la littérature d'aujourd'hui. Alors, juste quelques extraits, et si vous doutez ne serait-ce qu'une minute si j'ai écrit tout cela moi-même, prenez ce roman et lisez-le. Croyez-moi, il y a là des moments dignes de ceux que j'ai évoqués.
Extrait un (sa vie)...aucun de ces héros des masques de Trianon ne deviendra le véritable héros de l'Histoire. Aucun de ces dandys ne respecte intérieurement vraiment Marie-Antoinette. Pour certaines d'entre elles, la jeune femme permet un peu plus d'intimité dans la communication que ce qui convient à une reine, mais pour aucune, et c'est indiscutable, elle ne se sacrifie complètement, ni spirituellement ni en tant que femme. Celle qui devrait devenir la seule pour elle et qui le sera, celle qui un jour et pour toujours gagnera son cœur, se tient encore dans l'ombre. Et le comportement trépidant des figurants ne sert peut-être qu'à cacher sa proximité, sa présence.
Cependant, ce ne sont pas ces messieurs peu fiables et inconstants qui représentent un danger bien plus grand pour la reine, mais ses amis ; ici, une interaction complexe de divers sentiments est mystérieusement révélée. D'un point de vue caractéristique, Marie-Antoinette est d'une nature tout à fait naturelle, très féminine et douce, éprouvant le besoin d'abnégation, le besoin d'exprimer de tels sentiments qu'avec un conjoint lent et apathique au cours de ces sept premières années de leur vie commune rester sans réciprocité. De nature sociable, elle aspire à partager ses élans spirituels avec quelqu'un, et comme, en raison des coutumes établies, une personne aussi fiable, aussi proche ne peut pas ou ne peut pas encore être un homme, Marie-Antoinette cherche involontairement un ami.
Que les relations amicales de Marie-Antoinette avec ses proches soient teintées de tendresse est tout à fait naturel. Marie-Antoinette, seize, dix-sept, dix-huit ans, dorée et mariée, ou, plus précisément, comme mariée, est spirituellement à l'âge caractéristique et dans la position caractéristique d'une élève d'un internat pour jeunes filles nobles. Enfant, séparée de sa mère, son enseignante bien-aimée, et se retrouvant proche d'un mari maladroit et grossier, elle est incapable d'ouvrir son âme à qui que ce soit avec confiance - un désir aussi inhérent à la nature d'une jeune fille que l'odeur l'est dans un fleur. Toutes ces bagatelles enfantines, marchant main dans la main, s'embrassant, riant dans les coins, courant frénétiquement de pièce en pièce, « s'adorant » - tous ces symptômes du « réveil printanier » sont encore conservés dans son corps d'enfant.
A seize, dix-huit, vingt ans, Marie-Antoinette n'arrive toujours pas à tomber amoureuse pour de bon, avec toute la passion, avec toute la fougue de sa jeune âme. Et ce qui se manifeste dans un bouillonnement de sentiments aussi violent n'est en aucun cas sexuel, mais seulement une timide prémonition, seulement un rêve. C'est pourquoi les relations de Marie-Antoinette avec ses amis de ces années-là sont peintes dans des tons doux, et la cour immorale interprète immédiatement, avec irritation, faussement le comportement de la reine, qui lui était si inhabituel. Raffiné et dépravé, il ne comprend pas ce qui est naturel, des chuchotements commencent et des rumeurs surgissent sur les penchants saphiques (lesbiennes) de la reine. « On me prête des amants et une prédilection particulière et accentuée pour les femmes », écrit Marie-Antoinette ouvertement et naturellement, totalement sûre de la pureté de ses sentiments ; sa franchise arrogante méprise la cour, l'opinion publique et le monde. Elle ne connaît toujours pas le pouvoir des calomnies aux mille tons, s'abandonne de manière incontrôlable à la joie soudaine de l'amour et de la confiance en quelqu'un, néglige la prudence élémentaire, juste pour montrer à ses amis avec quel altruisme elle peut aimer.
Le choix de la première favorite, madame de Lamballe, fut en général le bonheur de la reine. Appartenant à une des familles nobles de France et donc peu avide d'argent, peu avide de pouvoir, de nature douce, sentimentale, peu ambitieuse, elle répond avec une sincère amitié à l'attention de la reine. Elle ne demande pas de protection à ses amis, aux membres de sa famille et ne s'immisce pas dans les affaires de l'État ou dans la politique. Dans son salon, on ne joue pas aux jeux de hasard tant aimés par la jeune reine, elle n'entraîne pas Marie-Antoinette dans un tourbillon de plaisirs, non, elle maintient tranquillement et imperceptiblement sa loyauté, et, enfin...
Extrait deux ( son amour) ...Mais le temps ne s'arrête pas, et même s'il ne se fait pas sentir sur la place entourée de murs de pierre, derrière ces murs il vole sur des ailes géantes. De mauvaises nouvelles arrivent des frontières : enfin, les Prussiens et les Autrichiens ont commencé à bouger, et dès le premier affrontement avec eux, les troupes révolutionnaires ont été dispersées. En Vendée, un soulèvement paysan commence, une guerre civile commence ; le gouvernement anglais rappelle son envoyé, Lafayette quitte l'armée, irrité par le radicalisme de la Révolution, à laquelle il avait jadis prêté allégeance ; Alors que l’approvisionnement alimentaire se détériore de plus en plus, les gens commencent à s’inquiéter. A chaque défaite des troupes de la Révolution, le mot « trahison » mille fois répété se fait entendre de toutes parts et effraie la ville. A une telle heure, Danton, l'homme le plus énergique et le plus décisif de la Révolution, brandit l'étendard sanglant de la Terreur et propose à l'Assemblée nationale - dans trois jours et trois nuits de septembre - d'exterminer tous les détenus. soupçonné de trahison. Parmi les deux mille ainsi condamnés à mort se trouve également l’amie de la reine, la princesse Lamballe.
La famille royale du Temple ne sait rien de cette terrible décision, car elle est isolée des voix vivantes, de la parole imprimée. Soudain, la sonnette d’alarme retentit. Marie-Antoinette connaissait bien ce cri des oiseaux d'infortune en bronze. Elle le sait déjà : dès que ces vibrations commencent à faire rage sur la ville, une tempête éclate immédiatement, et le désastre est assuré. Excités, les prisonniers du Temple chuchotent. Le duc de Brunswick et ses troupes ne sont-ils pas déjà aux portes de la ville ? Une révolution a-t-elle éclaté contre la Révolution ?
En bas, aux portes verrouillées du Temple, les fonctionnaires de la mairie discutent avec les gardes dans une extrême excitation. Les messagers précipités rapportèrent qu'une foule immense des faubourgs se dirigeait vers la forteresse, portant devant sur un pic la tête de la princesse Lamballe assassinée aux cheveux volants et traînant derrière eux son corps nu et mutilé. Cette bande brutale d'assassins, ivres de sang et de vin, voudra certainement profiter de l'effet que procure la vue de la tête de son amie décédée, de son corps nu et déshonoré, de l'ami avec qui, selon tout le monde, la reine avait forniquer. depuis si longtemps, aurait sur Marie-Antoinette. La garde confuse se tourne vers la Commune pour obtenir une aide militaire : elle-même ne peut pas arrêter la foule en colère, mais, comme toujours, lorsque le danger survient, le perfide Pétion, maire de Paris, est introuvable ; les renforts n'arrivent pas, et la foule avec son terrible butin se déchaîne déjà devant la porte principale. Pour éviter la destruction de la forteresse, qui se terminera probablement par le meurtre des prisonniers couronnés, afin de calmer tant bien que mal la foule, le commandant tente de la retenir ; il décide de laisser entrer les gens ivres dans la cour extérieure du Temple, et un ruisseau sale, écumant, se déverse par la porte.
Deux traînent le torse nu par les jambes, le troisième agite les intestins ensanglantés, le quatrième lève haut une pique avec la tête saignante, verdâtre et pâle, de la princesse. Munis de ces trophées, les cannibales s'engouffrent dans la tour afin, comme ils l'expliquent, de forcer la reine à embrasser la tête de sa fille. Rien ne peut être fait par la force contre cette foule déchaînée. L'un des commissaires tente d'utiliser une astuce. Agitant un foulard de député, il exige le silence et prend la parole. En trompant la foule, il vante d'abord son remarquable exploit et lui propose de porter sa tête dans les rues de Paris pour que tout le monde puisse admirer ce « trophée », cet « symbole éternel de victoire ». Heureusement, la foule succombe à la flatterie et, dans un rugissement sauvage, les instigateurs ivres, traînant un corps féminin mutilé, conduisent la foule dans les rues de la ville jusqu'au Palais Royal.
Pendant ce temps, les prisonniers de la tour perdent patience. Ils entendent les cris indistincts d'une immense masse de gens en colère venant d'en bas, ne comprenant pas ce qu'ils veulent. Dès le jour de la prise des Tuileries, les prisonniers se souviennent du rugissement sauvage de la foule, ils voient combien les soldats de la garde sont pâles, excités, comment ils se précipitent à leurs postes pour prévenir quelque danger. Le roi interroge anxieusement l'un de ses geôliers, les gardes nationaux. « Eh bien, monsieur, répond-il sèchement, si vous voulez savoir, on veut vous montrer la tête de Mme Lamballe. Je ne peux que vous conseiller de vous montrer à la fenêtre si vous ne voulez pas que les gens viennent eux-mêmes ici.
A ces mots, ils entendent un cri féminin étouffé : Marie-Antoinette s'évanouit. « Ce fut le seul moment, écrira bien plus tard sa fille, où ses forces la trahirent. »...
Extrait trois (quelques jours plus tard)... L'immense place de la Révolution, l'actuelle place de la Concorde, est noire. avec des gens. Des dizaines de milliers de personnes sont debout dès le petit matin, pour ne pas manquer le rare spectacle de voir la reine - conformément aux paroles cyniques et cruelles d'Hébert - "raser le rasoir national". Une foule de curieux attend depuis de nombreuses heures. Ils discutent avec une jolie voisine, rient, échangent des nouvelles, achètent des journaux ou des tracts aux caricatures obscènes chez des colporteurs, feuilletent les brochures obscènes que vient de publier Hébert, « Le dernier « pardon » de la reine à ses amants et à ses maîtresses » ou « Les féroces Passion de l'ancienne reine. Ils devinent, murmurent quelle tête tombera dans le panier demain ou après-demain, boivent de la limonade, mâchent des sandwichs, rongent des crackers, cassent des noix. Le spectacle vaut la peine d'attendre.
Au-dessus de ce tumulte de la masse noire s'agitant des curieux, parmi des milliers et des milliers de vivants, deux silhouettes sans vie se dressent immobiles. La fine silhouette d'une guillotine, ce pont de bois jeté du monde terrestre à l'autre monde ; sur sa barre transversale, à la lumière du soleil avare d'octobre, brille le guide - une lame bien aiguisée. Il traverse facilement et librement le ciel gris, jouet oublié d'une divinité menaçante, et les oiseaux, ignorant le but sombre de cette structure cruelle, volent sans soucis autour d'elle.
Mais Mais, sévèrement et fièrement à côté de ces portes de la mort, sur un piédestal qui servait autrefois de monument à Louis XV, le grand-père du monarque déchu, s'élève la Statue de la Liberté. Elle est assise calmement, déesse inaccessible avec un bonnet phrygien sur la tête, rêvant, une épée à la main ; Ici, assise, pierreuse, dans une immobilité figée, la déesse « humaine » de la Liberté, plongée dans une profonde réflexion...
... Soudain, il y a du mouvement dans la foule et la place devient immédiatement calme. Et dans ce silence, on entend des cris sauvages jaillir de la rue Saint-Honoré ; un détachement de cavalerie apparaît, une charrette tragique avec une femme liée, autrefois maîtresse de la France, surgit du coin de la dernière maison ; Derrière elle, une corde dans une main et un chapeau dans l'autre, se tient Sanson, le bourreau, plein d'orgueil et humblement servile à la fois. Il y a un silence de mort sur l'immense place, on n'entend que le fort cliquetis des sabots et le grincement des roues. Des dizaines de milliers de personnes, qui venaient de bavarder et de rire avec désinvolture, furent choquées par le sentiment d'horreur qui les saisit à la vue d'une femme pâle et attachée qui ne remarqua aucun d'eux. Elle le sait : de tous ses tourments et humiliations, il ne reste qu'une dernière épreuve ! Seulement cinq minutes de mort, et puis l'immortalité.
Le chariot s'arrête devant l'échafaud. Calmement, sans aide extérieure, « avec un visage encore plus pierreux qu'en sortant des ténèbres », rejetant toute aide, la reine gravit les marches de bois de l'échafaud ; elle gravit ces dernières marches de sa vie avec autant d'aisance et de joie dans ses chaussures à talons hauts en satin noir qu'elle gravissait autrefois l'escalier de marbre de Versailles. Un autre regard aveugle vers le ciel, au-dessus de l'agitation dégoûtante qui l'entourait. Peut-elle discerner là, dans le brouillard d'automne, les Tuileries, où elle a vécu et souffert insupportablement ? Se souvient-elle, à cette dernière, à cette toute dernière minute, du jour où ces mêmes foules sur des places comme celle-ci l'ont saluée comme héritière du trône ? Inconnu. Personne n’a le droit de connaître les dernières pensées d’une personne mourante. Tout est fini. Les bourreaux l'attrapent brutalement par derrière, un coup rapide sur la planche, la tête sous la lame, l'éclair du couteau tombant avec un coup de sifflet, un coup sourd - et Sanson, saisissant la tête ensanglantée par les cheveux, la soulève bien au-dessus la place. Et des dizaines de milliers de personnes, qui il y a une minute retenaient leur souffle d'horreur, maintenant d'un seul coup, comme si elles s'étaient débarrassées d'un terrible sort de sorcellerie, ont poussé un cri de joie. "Vive la République !" tonne comme s'il sortait d'une gorge libérée d'un étrangleur frénétique. Puis les gens se dispersent rapidement. Bon sang! En effet, il est déjà midi et quart, l’heure du déjeuner ; dépêchez-vous de rentrer chez vous. Pourquoi traîner ici ! Demain, pendant toutes ces semaines et tous ces mois, presque tous les jours sur cette même place, vous pourrez assister encore et encore à un spectacle similaire.
Midi. La foule se disperse. Dans une petite brouette, le bourreau emporte le cadavre avec une tête ensanglantée à ses pieds. Deux gendarmes sont restés pour garder l'échafaud. Personne ne se soucie du sang qui coule lentement sur le sol. La place est vide...